La Démocratie sous le regard constitutionnel

L’article 2, alinéa 6, de la constitution française de 4 octobre 1958, pose un principe fondamentale de la République, érigé par la révolution de 1789, ce dernier réside en la notion de démocratie. L’article 2 énonce: « Son principe [ de la République ] est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple « . cette formule est déjà inscrite littéralement à l’article 2, alinéa 4, de la constitution de la IV ème République de 1946, son principe est déjà évoqué dans la constitution de 1791. L’origine historique de cette dernière provient des paroles du président américain, Abraham Lincoln, qui l’employa, le 19 novembre 1863 sur le champ de bataille de Gettysburg, par les mots suivants: « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple« .

L’explication du principe de démocratie nous plonge dans l’antiquité grecque, d’où il tire son origine. Étymologiquement, ce mot grec signifie: « gouvernement du peuple par lui même« ; en effet, « démos » signifie « peuple« , tandis que « cratos » signifie « pouvoir« . Sa première transcription historique fut réalisée à Athènes, au V ème siècle avant J.C. Les citoyens de la cité, réunis en assemblée, discutaient, et votaient les lois qui les régissaient. Ils fixaient les impôts et la contribution de chacun d’eux aux charges publiques, ils décidaient de la guerre et de la paix, ils traitaient des accords avec d’autres cités, nommaient les magistrats ou juges. En résumé, tous les citoyens participaient à la vie de la cité. Pour fonctionner, cette forme de démocratie primaire supposait un petit nombre de citoyens pour que la tenue assemblée soit possible, que les citoyens aient un confort matériel pour participer aux fréquentes assemblées, qu’ils soient aptes à trancher des questions en termes simples. Les cités grecque, du fait de leur tailles réduites, remplissaient totalement ces conditions. Lors de ces assemblée, chaque citoyen s’inscrivait dans le corps collectif, chaque citoyen soumettait sa liberté individuelle au profit d’une volonté commune qui contribuait à créer des lois au bénéfice de l’intérêt commun. Ainsi, la démocratie est un système dans lequel les lois faites par tous sont soumises à tous. Elle se base sur la souveraineté de chacun.

Chaque citoyen dispose de cette liberté, de ce droit à participer à l’exercice du pouvoir, il est titulaire de la souveraineté politique. De la sorte, le souveraineté est, avant tout une fonction, c’est cette compétence partagée et exercée dans la société civile et par la société civile. Elle légitime l’exercice du pouvoir D’après la théorie du Contrat Social de Rousseau, qui, en 1762, attribue cette souveraineté comme un droit naturel, inhérent à la nature humaine. La société civile se créa, selon Rousseau, par ce don, de chaque individus qui la compose, de sa liberté individuelle, de sa volonté propre, au profit d’une volonté collective. Chaque citoyen particulier détient un part de la souveraineté collective indivisible. Voilà la création de la souveraineté populaire. Rousseau explique, dans le chapitre XV du livre III du Contrat Social, que chacun, par son acte d’association à la collectivité « produit un corps moral et collectif composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix« , ainsi le principe de cette association se fonde sur une égalité parfaite entre les citoyens dans l participation politique; il y rajoute que « les associés prennent collectivement le nom de peuple« . Dans ces conditions, « le souverain n’étant formé que des particuliers qui le composent« , le peuple est titulaire de la souveraineté de façon collective, cette souveraineté est divisible en autant de part qu’il y a de citoyens; cette souveraineté appartient au peuple qui la compose et qui a accepté de subordonner sa volonté ( la somme se toutes les volontés particulières qui la compose ) à la « volonté générale« . Cette notion s’oppose à la souveraineté nationale, qui est abstraite et qui transcende la souveraineté populaire qui est relative à des cadres spatiaux-temporels ( figée à un moment donné en un lieu donné ). La souveraineté nationale, apparue à la révolution française, dissocie la nation de ceux qui détiennent le pouvoir d’exercer la souveraineté, c’est à dire, les représentants de la nation. C’est la somme de compétences détenue par la puissance publique qui permet la création de la personnalité morale de l’Etat. La démocratie trouve, ainsi, son fondement dans l’exercice du pouvoir qui est détenu soit par le peuple, soit par les représentants de la nation, mais au delà, l’intérêt générale, auquel les citoyens aspirent, est exprimé à travers la souveraineté, qu’elle soit populaire ou nationale.

Cependant, les principales pratiques politiques de la démocratie dégagent des limites de celle-ci. La démocratie directe, qui demeure la forme idéale et primaire de la démocratie découle d’une conception littérale, comme sous Athènes, cette forme de démocratie réside en une représentation totale du peuple dans la participation politique. L’application grecque est le plus représentative de cette concrétisation de la démocratie directe. La représentation du peuple y est absolue, tous les citoyens présentent une liberté égale à la participation de gouvernement de la cité. Aristote exprime « la liberté [pour les citoyens] d’être tour à tour gouvernés et gouvernant« . Cependant cette forme relève du mythe. Dans une démocratie représentative, la souveraineté n’est pas détenue par le peuple dans son intégrité mais par un groupe de citoyens, choisis par l’ensemble des citoyens. Ce groupe de représentants détient le pouvoir de commandement et l’exerce au nom du peuple qui l’a élu. Il détient ainsi une légitimité populaire qui lui permet, en principe, de satisfaire l’intérêt général. Par les élections qui l’a investit du pouvoir, ce groupe de gouvernement représente la souveraineté nationale; Montesquieu décrit ainsi cette représentation: « Le grand avantage des représentants, c’est qu’ils sont capables de discuter des affaires. Le peuple n’y est point du tout propre, ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie […]. Il y avait un grand vice dans la plupart des anciennes républiques: c’est le peuple avait le droit d’y prendre des résolutions actives, et qui demandent quelque exécution  chose dont il est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants, ce qui est très à sa portée. Car s’il y a peu de gens qui connaissent le degré précis de la capacité des hommes, chacun est pourtant capable de savoir, en général, si celui qu’il choisit est plus éclairé que la plupart des autres« . Le citoyen n’a aucun pouvoir direct sur les décisions politiques, il ne peut que choisir ses représentants qui exercent le pouvoir en son nom. Une démocratie semi direct serait plus tempérée que la démocratie représentative, en effet, le citoyen ne possède pas le pouvoir de commandement; qui est délégué à ses représentants; cependant, il peut exercer sa souveraineté grâce à des procédés spéciaux mais limités à certains domaines seulement. Un de ces moyens de participation direct du peuple serait le référendum; qu’il soit constitutionnel, législatif ou qu’il soit d’autorité publique ou d’initiative populaire. Le référendum constitutionnel est un moyen qui nécessite le consentement ou l’approbation des citoyens concernant l’adoption ou une modification de la constitution, norme suprême de notre hiérarchie législative. Le référendum législatif vise à permettre au peuple d’adopter directement une loi. En France, cette forme de référendum est prévue par l’article 11 de la constitution de 1958. Les sources d’où émanent l’initiative du référendum diffèrent. Le référendum est d’autorité publique lorsqu’il peut émané du Parlement, à titre consultatif ( comme en Finlande, en Norvège, en Suède ou au Royaume Uni ). Il peut également être impulsé par le pouvoir exécutif pour des questions ou des réformes importantes. Le référendum est d’initiative populaire lorsque il est déclenché par des citoyens, par un nombre de citoyens prescrit par les constitutions. Le référendum d’initiative populaire peut être suspensif s’il est dirigé contre une loi votée par le Parlement mais pas encore entrée en viveur  afin justement d’empêcher son application. Le référendum d’initiative populaire est abrogatif lorsqu’il est dirigé contre une loi loi déjà promulguée qui peut être abrogée totalement ou partiellement par le peuple. Le référendum d’initiative populaire est propositif lorsque les citoyens élaborent un projets qu’ils soumettent au référendum. La mise en place du principe de la démocratie est variable. Toute forme d’application de la démocratie soulève des dangers et contraintes.

La démocratie directe présente deux grandes lacunes. Elle est soumises à de grandes contraintes matérielles qui rendent son application irréalisable. Le système de la démocratie directe présente des inadaptations face à la complexité des Etats modernes, il peut être applicable sur une une petite structure politique ( une cité ) mais son application à la plus grande échelle n’est pas réalisable. La démocratie représentative présente des critiques également. En élisant des représentants, le peuple concède a ces derniers l’exercice de sa souveraineté propre. La représentativité de ce système se fonde sur cette délégation de souveraineté des citoyens à des représentants, elle est dès lors associée à l’élection universel. D’une part ce suffrage n’est pas absolument universel, la participation de la totalité des citoyens n’est que relative; de la sorte, sous l’impulsion de l’abbé Sieyès; le suffrage censitaire fut mis en place et créer une sélection sociale au droit de participer à la vie politique; il ne faut non plus oublier la discrimination très longtemps maintenue pour les femmes. La démocratie représentative n’inclue pas une représentation absolue de la volonté générale. Le peuple ne possède aucun moyen de s’assurer que sa volonté se trouve exprimée par ses représentants. La seule technique de contrôle, d’approbation  de sanction du peuple à la politique engagée par les représentants réside dans le suffrage électoral. Il peut exister une non superposition entre la volonté générale que suivent les gouvernants élus et la volonté populaire. Cet argument est développé par Rousseau: « Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle, ce n’est point une loi. Le peuple anglais pense être libre; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde« , selon le philosophe, le fait que le peuple, dans une démocratie représentative, ne dispose de sa liberté (fondement de la démocratie directe) que durant les élections de ses représentants; au delà, sa souveraineté disparaît par le processus de la représentativité lui-même. Ce système peut entraîner le gouvernement d’une minorité de volonté à l’encontre de la majorité..

La constitution de 1958 institue la compétence du peuple à utiliser le référendum, qui est aussi une expression directe de la souveraineté nationale. Cependant  son initiative initiée par les gouvernants (prévu par les articles 11 et 89 de la constitution) peut s’écarter de son objet primaire. Ainsi, le président De Gaulle, de 1960 à 1969, a utilisé le référendum pour réaliser de grandes réformes auxquelles la classes politique était plutôt défavorable (référendum constitutionnel concernant l’élection du président de la République au suffrage universel direct). Ce procédé est également utilisé comme plébiscite, le référendum permettant au chef de l’Etat de maintenir sa légitimité populaire. A l’inverse, le référendum et un moyen, pour le peuple de désavouer ses gouvernants, il utilise le référendum afin de s’opposer à la politique générale des gouvernants sans répondre à la question politique posée. En 1969, suite au rejet de la réforme de la régionalisation soumis à un référendum législatif, De Gaulle démissionna. Le référendum concernant l’adoption du Traité instituant une constitution pour l’Europe de 2005 fut également utilisé par les citoyens comme un moyen de sanctionner les gouvernants, dans leur politique générale en se détachant de l’enjeu politique posé.

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

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